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Ryanair n'accepte pas les syndicats à bord

Ryanair n'accepte pas les syndicats à bord
Fronde chez les pilotes irlandais de la compagnie low-cost, qui refusent de signer l'engagement de ne pas se syndiquer.

Par Catherine MAUSSION
mardi 12 juillet 2005



Dublin envoyée spéciale



Bienvenue chez Ryanair, au coeur de l'aéroport de Dublin, la patrie des tarifs low-cost (à bas coûts) et de la protection sociale... tout aussi low. Dans la culture d'entreprise, le syndicalisme est carrément banni. Michael O'Leary, son patron grande gueule, en a même fait un slogan : «Direct management = better pay.» Autrement dit, une gestion sans syndicats assure de meilleurs salaires à tout le monde.

Sauf que la petite centaine de pilotes basés dans la capitale irlandaise (sur un total de plus de 600 pilotes) ne l'entendent pas ainsi. Ils sont engagés depuis quelques semaines dans un nouveau bras de fer avec leur compagnie. Au coeur du conflit, un avenant à leur contrat de travail qu'ils refusent obstinément de signer. Un additif d'une page, inconcevable partout ailleurs en Europe, mais que Ryanair a l'aplomb de proposer sur le sol irlandais. Que dit-il ? Il exige des pilotes le remboursement de leur formation sur Boeing 737-800 _ Ryanair s'apprête à mettre en service ces nouveaux avions _ dans deux cas précis : s'ils quittent la compagnie dans les cinq ans à venir ou si un syndicat prenait pied chez Ryanair dans ce délai. La facture de la formation est plutôt salée : 15 000 euros.

Rétorsion. Pour faire signer son avenant sulfureux, Ryanair a redoublé d'efforts. Fin juin, un petit groupe de sept pilotes seniors, les plus anciens et les mieux payés, ont été convoqués pour se voir proposer une énième mouture du contrat, à peine remanié... avec la volonté d'en finir. Mais l'avenant est toujours assorti des conditions qui fâchent. La direction pose un ultimatum pour le 27 juin et compte sur ces navigants les plus âgés pour entraîner les autres. Peine perdue. La manip échoue. Et la rétorsion ne tarde pas. Dans un nouvel avenant, présenté il y a quelques jours, Ryanair propose aux sept seniors de les expédier d'office à... Lübeck, en les rattachant à la base allemande.

Depuis novembre, cette affaire du training remboursable empoisonne l'atmosphère. Mais «aucun d'entre nous ne l'a encore signé», assurait encore un pilote, jeudi, sous couvert de l'anonymat. Rencontrer un pilote syndiqué à Dublin relève presque de la mission impossible. Les contacts se font via Ialpa, le syndicat irlandais des pilotes de ligne. Son porte-parole, Neil Johnston, explique que le climat de terrorisme syndical est tel dans la compagnie de Michael O'Leary que «personne ne se risque à parler à visage découvert». Et même si, à Dublin, la grande majorité des pilotes est syndiquée chez Ialpa, le syndicat minore ce chiffre par précaution, pour éviter une traque individuelle trop pressante. Ambiance.

«Dialogue direct». A l'affaire du nouveau Boeing s'ajoutent des actions en justice. Des plaintes contre la compagnie pour harcèlement syndical ont été déposées devant la Labour Relations Commission, instance juridique spécialisée dans les conflits sociaux. Ialpa en recense «autour de 250». Il s'agit parfois de simples propos tenus par la compagnie, notamment par son patron (lire ci-contre). Ryanair _ qui n'a pas accès pour le moment à l'identité des plaignants, sauf pour les sept seniors _ met toute la pression pour que les pilotes retirent leurs plaintes.

Chez Ryanair, on se justifie : «Chez nous, la Constitution reconnaît aux personnes le droit d'adhérer à un syndicat, mais aussi celui de ne pas adhérer. Les compagnies ont aussi le choix, elles peuvent refuser de passer par les syndicats. Ryanair, depuis vingt ans, a choisi le dialogue direct, que les salariés soient syndiqués ou non», explique un porte-parole de la compagnie. Des déclarations qui ne poursuivent qu'un objectif : contenir le feu irlandais, de peur qu'il ne s'étende aux autres sites de la compagnie. Aucun syndicat n'a pour le moment réussi à s'implanter sur les douze bases de Ryanair en Europe.

«Harcèlement syndical». Les comportements sont raccords avec ce parti pris antisyndical. Chez Ryanair, le patron n'hésite pas à poursuivre ses salariés en justice pour «harcèlement syndical», comme il l'a fait pour l'un de ses pilotes, le capitaine John Goss. «Nous ne permettrons pas que nos pilotes ou nos gens soient les victimes d'une campagne d'intimidation», justifiait Ryanair dans un communiqué en février, évoquant «ces individus (des pilotes syndiqués chez Ialpa) qui font des menaces, certains incitant même à des activités criminelles».

Après avoir été convoqué devant un conseil de discipline, John Goss, défendu par Ialpa, a comparu devant la High Court, la cour d'appel de Dublin. Blanchi, il vient de retrouver son poste chez Ryanair. Le syndicat épuise ses ressources dans le combat avec la compagnie : «Nous avons utilisé, au cours des derniers mois, davantage de moyens, en personnel et en frais d'avocats, que dans les cinquante dernières années. A chaque étape, on gagne, mais on n'en voit pas le bout», se désole le délégué syndical derrière sa pile de dossiers. Le bungalow de Ialpa, sur l'aéroport de Dublin, jouxte le siège de Ryanair, un bâtiment modeste où, dit-on, une majorité de salariés n'a pas de bureau attitré, pour encourager la mobilité... Last but not least, les pilotes de Dublin sont toujours privés de l'augmentation générale de 3 % des salaires accordée par Ryanair à ses employés au début de l'année 2005, les navigants réclamant que la négociation salariale passe par la voie syndicale.

Frais d'uniforme. Ailleurs, dit Ryanair, les pilotes n'ont pas non plus fait de difficultés pour voler sur le nouveau 737. Et la compagnie d'exhiber sa réussite flamboyante comme pour justifier sa traque à la représentation collective : 27 % de croissance en 2004, 229 liaisons assurées et le rang de premier transporteur en Europe. La compagnie low-cost assure aussi verser un salaire annuel moyen (49 992 euros) plus élevé qu'Air France (43 124 euros) ou Lufthansa. Chez Air France, on doute sérieusement de la méthode de calcul : «Le salaire moyen ne veut rien dire.» En tout cas, les pilotes irlandais de Ryanair ne semblent pas convaincus de bénéficier d'un traitement de faveur. L'un d'eux fait ses comptes : «Je gagne moins qu'il y a cinq ans. On me retient 300 euros sur ma paie chaque semestre pour les examens médicaux, 200 pour mes frais d'uniforme, et c'est moi qui cotise maintenant pour ma retraite...» Dans sa recherche forcenée d'économies, Ryanair a même supprimé les bouteilles d'eau sur ses vols pour l'équipage. Quand on est hôtesse de l'air chez Ryanair, on est priée d'apporter sa boisson

Par
Libération
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