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View Full Version : Airbus flotte au-dessus de Boeing


flyblue
16th Jan 2004, 00:34
Par Libération.fr
jeudi 15 janvier 2004

Malgré un marché en crise et un euro fort, le constructeur européen a vendu en 2003 plus d'avions de ligne que son concurrent américain. Une première dans l'histoire.




irbus a annoncé jeudi avoir livré 305 appareils en 2003, soit 24 de mieux que son concurrent Boeing: c'est la première fois que l'avionneur européen, filiale à 80% du groupe européen EADS, trône sur la première marche du podium. Cette tendance devrait se confirmer l'an prochain: lors de la présentation de ses résultats 2003, la direction d'Airbus a précisé qu'elle prévoyait de livrer «quelque 300 appareils» en 2004 alors que Boeing table sur une fourchette comprise entre 275 et 290.

Ce leadership pourrait durer grâce au franc succès (près de 130 appareils avaient déjà été commandés en juin, pour un seuil de rentabilité de 250 avions) annoncé de l'A380, le futur paquebot des airs pouvant transporter un minimum de 550 passagers. Convaincu que l'avenir du transport aérien passe par les plus petits avions (autour de 250 places) capables de relier deux villes sans passer par les grands aéroports internationaux («hub to hub»), Boeing ne s'est pas lancé dans un projet équivalent et a choisi de mettre en production son «Dreamliner» en décembre dernier pour une première sortie commerciale en 2008. L'Américain a par ailleurs connu une année noire: arrêt de la production du B 757 (l'avion monocouloir de la gamme), abandon du lancement de satellites commerciaux par le lanceur Delta IV, biffage par l'US Air Force de sept contrats de lancement de satellites militaires en représailles à un espionnage industriel de Boeing sur son concurrent Lockheed...

La première place d'Airbus doit cependant être replacée une conjoncture économique dégradée. Si le nombre de livraisons effectuées par l'avionneur européen est stable par rapport à 2002 (303 appareils), il est loin du record enregistré un an plus tôt de 325 appareils. Le chiffre d'affaire est en légère baisse: 19,3 milliards d'euros en 2003, contre 19,5 milliards en 2002. Dans un entretien paru dans «Le Monde» daté de vendredi, le président d'Airbus, No'l Forgeard, juge d'ailleurs l'environnement «très difficile, marqué par la crise du transport aérien, la pneumonie atypique et la chute du dollar». Son directeur commercial, John Lealy, a aussi observé que la reprise du marché n'était pas aussi importante qu'Airbus l'espérait il y a encore trois mois: «L'Asie, ça va. Mais j'aurais aimé avoir aujourd'hui une activité plus forte en Europe», a-t-il précisé, avant d'ajouter que le marché américain restait mal en point et qu'il n'attendait pas cette année de commandes d'appareils de la part des grandes compagnies américaines, que ce soit à Airbus ou à Boeing.

Une autre menace plane sur les résultats futurs du constructeur européen: la continuelle dépréciation du dollar par rapport à l'euro, qui avait conduit Philippe Camus, président d'EADS, à affirmer en juin que si le dollar restait «durablement bas, c'est-à-dire à 1,30 ou 1,40, cela poserait de gros problèmes». Récemment, il avait évoqué la possibilité pour le groupe de localiser ses investissements en zone dollar. Une option écartée jeudi par No'l Forgeard, pour lequel «il faut raisonner en industriel, et non en financier»: «Nous sommes dans une industrie lourde, pas dans l'électroménager.»


Liberation.fr

jeanben
17th Jan 2004, 04:24
Interessant.

pour la parite Euro/dollar, pas evident a faire le bon choix au niveau industriel.

Ca reste aussi valable pour les pilotes du Moyen Orient ou en 4 ans, il ont vu baisser leur pouvoir d achat en Europe de pres de 40%..
La aussi, ca va poser un probleme pour trouver des equipages experimentes qui voudont davantage des contrat en Euros..

Peut etre est ce une porte ouverte aux audacieux avec 0 heure sur le type et qui se contenteront de Dollars devalues, non? :hmm: ou alors :ok:

No'l Forgeard, président d'Airbus :

"Dans un environnement très difficile, Airbus est devenu numéro un mondial en 2003"

LE MONDE | 15.01.04 | 13h10

Il se dit opposé à une délocalisation de la production, malgré les problèmes posés par le dollar.

Cet entretien a été relu et amendé par M. Forgeard.




Quel bilan dressez-vous de l'année 2003 ?

Le bilan est satisfaisant. Dans un environnement très difficile, marqué par la crise du transport aérien, la pneumonie atypique et la chute du dollar, Airbus est devenu numéro un mondial en 2003. Nous avons à nouveau enregistré 52 % des prises de commandes et nous avons livré 305 avions, contre 281 pour Boeing. Notre résultat financier est meilleur que prévu d'environ 15 %. Nous sommes parvenus à économiser 1 milliard d'euros de trésorerie en négociant avec nos fournisseurs ou en échelonnant des investissements dans le temps sans compromettre notre avenir. Tout cela s'est fait en autofinançant notre part propre du développement de l'A 380.



La faiblesse du dollar ne vous handicape-t-elle pas ?

Au prix d'un gros travail, Airbus s'est doté des moyens nécessaires pour faire face à cette menace. D'abord, malgré des performances satisfaisantes, la baisse du dollar m'oblige à demander des efforts importants aux fournisseurs et aux salariés. Ensuite, j'ai mis en place depuis deux ans une politique de couverture de change très prudente. De ce fait, l'effet dollar est étalé dans le temps. Nos livraisons des années 2004 et 2005 sont couvertes, ainsi qu'une bonne part de celles de 2006. Enfin, j'ai lancé en 2003 un plan de réduction de nos coûts supplémentaire de l'ordre de 10 %, soit 1,5 milliard d'euros par an.

La vraie réponse à la chute du dollar n'est pas dans des outils financiers mais dans l'efficacité industrielle. A cet égard, notre nouveau gros porteur, l'A380, dont le premier vol est prévu début 2005, est notre arme ultime contre le dollar. Nous avons déjà reçu 129 commandes fermes. Les volumes de chiffre d'affaires et de marge qu'il va engendrer seront tels que, combinés aux mesures précédentes, ils feront plus que compenser l'effet dollar à son niveau actuel.



Envisagez-vous des implantations hors de la zone euro, comme le préconise votre actionnaire principal, EADS ?

Un groupe comme Airbus ne répartit pas sa production dans le monde en fonction des parités monétaires du moment. Je suis contre ce raisonnement qui, face à la chute du billet vert, consiste à penser d'abord en termes de délocalisation. Nous sommes dans une industrie lourde, pas dans l'électroménager ! Je suis d'abord européen et attaché à faire vivre l'industrie et l'emploi en Europe. Dans un métier comme le nôtre, il faut raisonner en industriel et non en financier : c'est la seule stratégie gagnante dans la durée. Toutefois, pour certains contrats militaires, il peut parfois être nécessaire d'avoir une activité d'équipements dans le pays signataire, ce qui n'a rien à voir avec une délocalisation.



N'est-ce pas plus difficile d'être leader que challenger ?

Assurément. Il faut se garder de toute complaisance et rester à l'écoute du marché pour répondre à ses attentes. Notre cible n'est pas notre concurrent mais nos clients. Nous n'avons pas lancé l'A380 pour prendre la première place mais parce que cela correspond à un besoin du marché. C'est pourquoi je ne serai vraiment satisfait qu'au moment où nous serons indiscutablement les premiers en termes de qualité, de satisfaction des clients et de rentabilité. Je voudrais qu'Airbus devienne la référence de la qualité et du service.



Comment analysez-vous les difficultés de Boeing ?

Leurs difficultés montrent combien une approche purement financière peut être dangereuse. L'équipe sortante de Seattle a cédé à la mode selon laquelle les bénéfices et la croissance étaient désormais dans les services et non plus dans l'industrie. Par exemple, ils ont voulu faire un "business" de leur activité de financement d'avions. Mais on ne s'improvise pas General Electric Capital. Les nouveaux dirigeants reviennent au métier de base du groupe : la fabrication d'avions.



Que pensez-vous de l'annonce du lancement du Boeing 7E7 ?

Il n'est pas surprenant que Boeing veuille lancer un avion de 200-250 places : c'est un créneau dominé par Airbus avec plus de 80 % du carnet de commandes mondial pour l'A330-200. Je pense que celui-ci restera compétitif face au 7E7 si ce dernier entre en service en 2008. Cela suppose un lancement industriel dans les douze prochains mois. Il leur faudra alors réaliser cet avion avec les technologies actuelles. Dans ce cas, l'A330-200, dont le développement est amorti, sera difficile à battre.



Quelles leçons tirez-vous du succès d'Airbus ?

Ce qui compte le plus, c'est l'âme d'une entreprise, la mobilisation permanente de tous autour des produits et des clients. Les déboires de Boeing prouvent qu'il ne faut jamais décoller de cette réalité. Je l'ai appris avec Jean-Luc Lagardère chez Matra. C'est cet esprit que j'ai trouvé chez Airbus lorsque j'y suis arrivé en 1998. Cet esprit existe dans d'autres entités d'EADS : l'enjeu est maintenant de l'étendre au groupe tout entier.



Que pensez-vous de la structure d'EADS en tant que holding ?

Ce ne sont pas les structures qui comptent, c'est l'esprit. Ce n'est pas avec des organigrammes ou des ratios financiers - par ailleurs indispensables - qu'on mobilise les hommes. Une entreprise ne se réduit pas à une direction générale, pour brillante qu'elle soit. Si l'élan, la passion et la rage d'être les meilleurs n'existent pas dans les ateliers et les bureaux d'études, vous n'allez nulle part. Et c'est d'autant plus indispensable que l'objectif annoncé par EADS d'augmenter ses résultats de 20 % dès 2004 est ambitieux.



Est-ce un discours de candidature et une reprise des hostilités avec le coprésident exécutif d'EADS, Philippe Camus ?

Non, c'est un discours de management que je partage tout à fait avec mes actionnaires, auxquels il appartient, le cas échéant, de prendre les mesures qu'ils jugeraient nécessaires. Les deux coprésidents du conseil d'administration d'EADS sont venus à Toulouse : Manfred Bischoff, deux jours en novembre, et Arnaud Lagardère, en décembre. Ils ont retrouvé la mobilisation collective propre à Airbus. Mes collègues et moi-même avons pu constater combien l'un et l'autre partagent nos convictions sur les clés du succès d'une entreprise. M. Bischoff conna't Airbus depuis longtemps. Quant à M. Lagardère, c'est l'esprit même de son groupe.

Propos recueillis par Dominique Gallois

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 16.01.04